Hongkong confirme son ambition de devenir un centre financier des cryptomonnaies.
Le régulateur des marchés hongkongais a approuvé la vente de produits financiers en bitcoins et ethers, les deux devises virtuelles les plus importantes.
Nouveau signe de l’engagement et de l’intérêt de Hongkong pour les cryptomonnaies, le régulateur des marchés financiers dans la région administrative spéciale chinoise, la Securities and Futures Commission, vient d’annoncer que des ETF (Exchange traded funds ou fonds indiciels cotés) vont être mis en vente et négociés, dès mardi 30 avril, pour les deux cryptomonnaies les plus valorisées que sont le bitcoin et l’ether.
Hongkong suit ainsi le mouvement lancé, en janvier, par les Etats-Unis, qui ont été les premiers à autoriser des ETF pour le bitcoin. Peu connus en Europe, mais extrêmement populaires outre-Atlantique, ces produits, également appelés « trackers » dans le jargon financier, sont simplement des fonds adossés à un actif dont l’ETF reflète très fidèlement la valeur.
L’investisseur achète en quelque sorte le duplicata d’un produit financier. Acheter un ETF permet d’investir dans des produits financiers classiques (actions, obligations, devises, matières premières, etc.), qui sont par ailleurs chers ou compliqués à acheter directement.
La décision américaine a eu comme effet immédiat d’attirer des investisseurs qui s’étaient jusqu’alors gardés d’approcher les cryptomonnaies. En raison des nombreux scandales associés à ces devises virtuelles, et de leur utilisation par les réseaux criminels qui en apprécient l’anonymat et la non-traçabilité, la cryptofinance est encore généralement perçue comme sulfureuse.
« Un premier point positif »
« Ce sont indéniablement les États-Unis qui ont ouvert le bal. Mais Hongkong donne l’impression d’avoir voulu se rattraper en autorisant aussi des ETF en ether, ce que New York n’a pas encore fait », observe le financier belge Pierre-Edouard de Vliegher, qui suit de très près la cryptofinance.
Autre différence : les investisseurs à Hongkong pourront miser sur ces ETF en payant en bitcoin ou en ether. Cela va leur permettre de réinjecter leurs cryptodevises dans le système traditionnel, explique Justin d’Anethan le chef des partenariats Asie-Pacifique chez Keyrock, un spécialiste européen des cryptos.
Cette décision confirme l’ambition du gouvernement de Hongkong de mener la danse, au moins en Asie, dans le secteur des cryptomonnaies et, de manière plus large, les fintech. Depuis août 2023, les deux principales Bourses de cryptos enregistrées à Hongkong, HashKey Group et OSL, ont été autorisées à élargir leur clientèle, jusque-là exclusivement professionnelle, à des particuliers. Du samedi 6 au mardi 9 avril, Hongkong a accueilli un Festival Web3 (qui désigne le monde de la blockchain, dans lequel sont conçues les cryptomonnaies) auquel ont participé des centaines d’acteurs venus du monde entier, notamment de Russie et de Corée.
Cependant, parmi les quelque deux cents banques présentes à Hongkong, seule une minorité ose déjà offrir des produits cryptos. « Nous, on n’y touche pas », déclare d’entrée de jeu un trader d’une grande banque occidentale installée à Hongkong depuis des décennies, qui reconnaît que le fait de voir les cryptos intégrées dans un cadre régulé « est peut-être un premier point positif ».
Paradoxe
« Les émetteurs agréés à Hongkong n’ont ni le poids ni la crédibilité des américains [BlackRock, Fidelity, Ark, etc.]. Il ne faut pas s’attendre à des volumes comparables », tempère d’ailleurs Pierre-Edouard de Vliegher.
« Quand j’ai lu la nouvelle, j’ai éclaté de rire, affirme Fabrice Jacob, président du fonds JK Capital Management, qui travaille dans la finance à Hongkong depuis 1995. C’est un comble que Hongkong se pique de devenir le centre asiatique des cryptos, alors que la Chine interdit formellement tout ce qui touche aux cryptos de près ou de loin. D’après moi, cela illustre surtout l’état désespéré des autorités locales, qui ne savent pas quoi inventer pour essayer de redonner vie à la place financière, moribonde… » La Bourse de Hongkong est en effet au plus bas. En janvier, elle a plongé sous son niveau d’avant la rétrocession (1997) et la plupart des récentes introductions en Bourse ont perdu de l’argent.
Depuis 2021, les transactions en cryptomonnaies sont interdites en Chine continentale, et il a été officiellement précisé que les cryptos, même à Hongkong, n’étaient pas accessibles aux Chinois. Si Hongkong se lance ainsi dans la cryptofinance, ce ne peut toutefois être qu’avec l’aval de Pékin.
Une explication possible à ce paradoxe serait que les autorités chinoises aient donné pour mission à Hongkong de faire office de terrain d’essai afin d’explorer le potentiel des cryptos, alors que la Chine cherche, d’une part à dédollariser le système financier international et, d’autre part, à mettre au point une monnaie nationale exclusivement numérique.
Source : Le Monde, RFI, Radio France Correspondent in Hong Kong and Taiwan
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